Conférence-midi // Liens familiaux racontés par des enfants nés d’un don de gamètes
Liens familiaux racontés par des enfants nés d’un don de gamètes
Conférence-midi d’Isabel Côté
Résumé
Dans le cadre des conférences-midi du Partenariat, Isabel Côté, professeure à l’UQO a présenté les résultats de ses récentes recherches portant sur les liens familiaux tels que perçus par des enfants nés d’un don de gamètes. En effet, la chercheure s’est concentrée sur le rapport qu’ont les enfants issus des familles lesboparentales avec leur donneur lorsque celui-ci est connu. Contrairement à plusieurs travaux dans le domaine, l’approche privilégiée par la chercheure est centrée sur l’enfant en tant qu’acteur réflexif. Cette approche, qui tire son origine de la préoccupation croissante quant aux droits des enfants, considère l’enfance comme un espace socioculturel distinct de la période adulte et les enfants, comme des acteurs sociaux réflexifs capables de participer à la construction des savoirs les concernant. Les recherches sur la famille tendent à se centrer principalement sur le point de vue d’adultes. Or, les enfants possèdent une créativité et une flexibilité particulières qui leur permettent de réfléchir autrement aux relations familiales complexes, d’où l’importance de prendre en compte leur vision de la famille.
Méthode
La chercheure utilise une méthode originale de collecte de données qui permet de recueillir les impressions des enfants dès l’âge de 4 ans : la cartographie circulaire. La manière dont les cartographies sont construites permet à l’enfant de décider dans quelle catégorie se classent les personnes faisant partie de sa vie : famille, amis ou autre. Ces cartographies permettent aussi à l’enfant de décider du degré d’affectivité qu’il entretient avec ces personnes.
Participants
Les enfants participants à cette recherche sont issus de familles lesboparentales dont le donneur est connu. La chercheure a également rencontré les enfants que certains donneurs ont eus dans le cadre de leur propre relation conjugale. Ces derniers étaient au courant que leur père avait agi comme donneur pour la naissance d’autres enfants. Au total, la chercheure a rencontré 15 enfants âgés de 4 à 11 ans.
Résultats
La chercheure reprend les mots des enfants pour résumer les résultats de son enquête : «Une famille c’est des gens qui s’aiment (affectivité), qui habitent dans la même maison (quotidienneté), qui s’aident et prennent soin les uns des autres (entraide)».
Une famille différente
Les enfants remarquent que leur famille est différente de celle de leurs amis mais la différence ne se situe pas essentiellement dans le fait qu’ils ont deux mères : les enfants parlent d’une pluralité de grands-parents et d’autres faits plus anodins de la vie familiale comme la sévérité des règlements par rapport aux autres amis de quartiers. La majorité des enfants interrogés se disaient contents d’avoir une famille différente.
Le lien au donneur
Les enfants connaissent tous leur donneur et pour la plupart, ce dernier entre dans la catégorie « famille” et dans le cercle “des gens que j’aime beaucoup”. Il est souvent évoqué spontanément par les enfants lors de l’exercice. On note un cas où le donneur est oublié par l’enfant, puis inclus dans la catégorie famille une fois évoqué par la chercheure et un autre cas où le donneur est exclu de la carte. Toutefois, malgré la proximité affective, les enfants font la différence entre le rôle social d’un père et celui d’un donneur. L’idée de “graines de vie” revient souvent dans les discours des plus jeunes pour expliquer le don de gamète. Les enfants des donneurs ne perçoivent pas ceux nés des dons de leur père comme faisant partie de leur fratrie. Pour eux, ces enfants sont ceux « des amis de mes parents ». La représentation que les enfants ont de leur donneur est similaire à celle des adultes ce qui témoigne de l’influence du discours parental sur leurs représentations familiales.
Conclusion
Les enfants intègrent l’histoire qu’on leur raconte, toutefois celle-ci reste en évolution. Les parents sont toujours soucieux que leurs enfants puissent développer leur propre représentation. La chercheure mentionne donc qu’il y a une certaine forme d’«inter-influence» entre les représentations du donneur qu’ont les parents et celles qu’ont leurs enfants.